samedi 12 janvier 2013

Sexe, guerre et méfiance : l'actu du jour en Inde

Les tensions restent vives (c'est l'expression adéquate, je pense) à la frontière indo-pakistanise, tandis que les affaires de viols, toujours très tendance, ne quittent pas la Une, et que le Ministre des Comunications et de l'Information émet de graves réserves sur les hommes d'affaires étrangers.

Ça chauffe à la frontière indo-pakistanaise depuis une semaine. Plus précisément, le long de la LoC (Line of Control) entre les deux pays, de 740 km de long. Dimanche dernier, un accrochage coûte la vie à un soldat pakistanais. Mardi, nouvel accrochage, les Pakistanais tuent et mutilent deux soldats indiens. Jeudi, le Pakistan accuse l'Inde d'avoir tué deux soldats pakistanais. OK. Au delà de la rivalité historique, quel est le problème ?

Apparemment, un peu le même problème que celui qui aurait pu motiver l'assassinat des trois militantes kurdes à Paris alors même que des négociations entre des militants kurdes et les autorités turques sont en cours : faire capoter les négociations de paix. Actuellement, des négociations sont en cours entre les deux pays. Or, l'armée pakistanaise subit des pressions lourdes de la part des jihadistes qui l'accusent d'abandonner la cause du Cachemire. Le processus de paix entre l'Inde et le Pakistan les inquiète. Des éléments jihadistes très proches de l'armée pakistanaise auraient pu organiser le dérapage militaire.

Preuve que l'affaire est grave, Shah Rukh Khan (un acteur de Bollywood, dit aussi "le roi Khan")  s'est exprimé sur le sujet. Il s'est dit très très triste, en tant qu'Indien.


Sexe, viol, etc : le sexe est très tendance dans les médias indiens : il fait désormais la Une, du moins depuis un mois, et on ne sait pas combien de temps cela va durer.

Aujourd'hui, c'est la directrice d'un ashram pour fille de la région de Chhattisgarh (ville de Kanker, district de Bastar) qui aurait obligé une de ses pensionnaires à faire des choses qu'elle ne désirait pas avec son compagnon ; notons que si une plainte à été déposée à la police, l'affaire a également été porté devant le Gondwana Samaj, une communauté tribale locale.

Cette affaire fait suite à une autre affaire très similaire, dans la même région, survenue il y a  5 jours. Un enseignant et un gardien d'un établissement scolaire du gouvernement destiné aux  filles de minorités tribales, soupçonné d'abus sexuels sur les élèves, ont été arrêté. L'article signale que les élèves s'étaient déjà plaintes. En août dernier. Il faut croire qu'à cette date, le contexte était moins favorable à l'écoute des victimes. Le demeurera-t-il ? Combien de temps ? Allez, soyons optimistes, ça ne mange pas de pain.

Pour l'anecdote : depuis le viol de la jeune fille de 23 ans, les politiques indiens rivalisent de petites phrases à faire dresser les cheveux sur la tête relativement aux jeunes filles, aux viols, etc. Il est laborieux de les comptabiliser toutes (j'essaie), mais relativement à cette affaire, le Home Minister du Chhattisgarh, a ajouté sa petite pierre à l'édifice du sexisme indien (le mot est faible, et par ailleurs pas entièrement approprié, mais ne chipotons pas). Alors qu'on lui demandait comment expliquer cette déconcertante vague de viol en Inde, il avoua son ignorance et ajouta : "ce genre de chose arrive quand les étoiles ne sont pas en phase". Enjoy. Et ça n'est pas la pire des petites phrases.

Note 1 : le Chhattisgarh est dirigé par le BJP (comme le Gujarat). Il fait partie de la "Hindi Belt" (régions du Nord et de l'Ouest de l'Inde).

Note 2 : dès le 8 janvier, l'Etat voisin du Madya Pradesh avait pris des mesures relatives aux écoles de filles de minorités tribales, en établissant que seules des femmes devaient être nommées directrices de ces établissements. Ce qui, apparemment, n'est pas la solution. J'aime aussi beaucoup la possibilité pour les pensionnaires, en cas de problème, d'appeler un numéro dédié. Il faut cependant, je pense, vivre en Inde pour saisir la sinistre cocasserie de la chose.



Enfin, le ministre des technologies de l'information et des télécommunications, Kapil Sibal, a mis en garde contre les étrangers qui viendraient faire, fourbes autant que félons, du business en Inde. Suivons son regard. Des étrangers, a-t-il dit, sont déjà venus en Inde pour le commerce et ils sont devenus les maîtres du pays. Aujourd'hui, ils veulent revenir et nous diviser. Nous devons y prendre garde.

La remarque était très bien contextualisée. Kapil Sibal accompagnait le Président de la République indienne à une cérémonie officialisant l'émission d'un timbre en l'honneur d'un mouvement nationaliste indien du début du XXème siècle, la conspiration des lettres de soie, organisé contre l'Empire Britannique avec le soutien des gouvernements afghan et turc. Il en a profité pour caser sa petite phrase.



Et pour finir, où en est-on avec notre ex-Une de la fin décembre, l'affaire du viol collectif ?

Selon le rapport de police, les accusés voulaient tuer une femme. Est-ce qu'on en saura plus à l'audience ? On verra. Les accusés ont été battu et contraints aux aveux. Peut-être sont-ils bien les coupables, mais peut-être ont-ils avoués tout ce qu'on a voulu leur faire avouer.

Les accusés ont comparu en audience préliminaire et le procès reprend lundi 14 janvier. Très vite à la télé, j'ai vu passer la mention que les procès rapides relatifs au viol dureraient 8 jours, ce qui m'a effaré (un autre reportage évoquait, auparavant, des délais de 15 ans pour un procès - de 15 ans à 8 JOURS, c'est effarant, mais d'un autre côté, quand la pression médiatique sera retombée, il en restera peut être des procès un peu plus rapides malgré tout). Le principe de tribunal avec procédure accélérée ne date pas du tout du cas de viol de décembre, mais d'octobre dernier. Et on dit que le gouvernement ne fait rien !

Les journaux indiens se focalisent tout d'un coup sur l'origine sociale des accusés, issus des classes les plus défavorisées de la société (i.e. la majorité des citoyens du pays). La même origine que la jeune fille qu'ils ont massacré, à la différence que, grâce à ses études, elle avait une possibilité d'atteindre la middle class indienne. L'indignation se tait, le misérabilisme arrive.

Il n'y a plus guère de manifestations.

Il nous reste les petites phrases : le député et leader du  Samajwadi Party (le Parti Socialiste) Abu Azmi s'est dit tout à fait en accord avec les propos de Mohan Bhagwat (leader du RSS, organisation nationaliste hindou paramilitaire), selon lesquels les viols se produisaient dans l'Inde moderne et urbaine et point du tout dans l'Inde traditionnaliste et rurale. Il a ajouté que les femmes ne devaient pas porter de vêtements provocants et ne pas sortir seules le soir. Malgré les différences idéologiques avec le RSS et le BJP, il a souligné la similarité de leurs points de vue relatif aux femmes.

Notons toutefois que le fils dudit Abu Azmi s'est immédiatement excusé publiquement pour les propos de son père ; et aussi que Abu Azmi a pour belle fille une actrice bollywoodienne, Ayesha Takia, qui, s'autorise-t-on à déduire, ne cache pas toujours autant que Beau-Papa ne le souhaiterait, les charmes dont la nature l'a heureusement pourvue.

Ayesha avait twitté, en belle-fille au bord de la crise de nerfs :

Les commentaires faits par d'autres, même proches de moi, quand ils sont réactionnaires, ne reflètent pas mon point de vue.


Je suis un individu et j'ai mes idées qui ne coincident pas du tout avec des points de vues réactionnaires.


Le lendemain, elle ajoutait (après discussion en couple ?) :

Mon beau père est le chef de la famille, nous l'aimons et le respectons. J'ai mon propre avis qui n'a pas à coincider avec celui de tout le monde, même quand il s'agit de quelqu'un que j'aime et respecte profondément.


Mmmmm.

Le SP a également désapprouvé les propos de Abu Azmi. (qui s'en moque)



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire